Il s’agit d’une activité au cours de laquelle des personnes visitent seules ou en groupe des lieux souvent abandonnés (ou qu’ils pensent l’être) et interdits d'accès pour la majorité d'entre eux. Les bâtiments privilégiés sont la plupart du temps désaffectés : usines, prisons, carrières souterraines, métros, hôpitaux, toits, voies ferrées abandonnées hôtels… Une question parlementaire a été posée en 2019 sur le sujet, en précisant que « au-delà du seul enjeu pénal, la pratique de « l'urbex » pose une réelle question de sécurité physique des personnes s'y adonnant puisque se rendre sur un lieu désaffecté conduit souvent à un certain nombre de risques (effondrement d'escaliers, de murs, de toits ; présence d'éléments chimiques dangereux ; inondations souterraines ; chute de personnes depuis un toit ; blessures liées à des objets coupants sur le chemin ; etc.). Cette pratique peut être d'autant plus dangereuse que les personnes pratiquant « l'urbex » comptent parmi elles de plus en plus d'adolescents, voire d'enfants, à la suite de la médiatisation récente de vidéos sensationnalistes « d'urbex » sur la plateforme YouTube et fut par ailleurs à l'origine de plusieurs morts ces dernières années à Lyon et Rosporden . »
Malgré les risques évoqués, il s’agit d’une pratique qui fait de plus en plus d’adeptes. Dans ma région lilloise, par la présence de nombreuses friches qui sont les témoignages d’un riche passé industriel, l’URBEX fait l’objet d’un véritable engouement. Il se dit même que le Nord serait un des meilleurs « spots » d’URBEX en Europe.
On peut comprendre que l’immersion dans des lieux délabrés, presqu’apocalyptiques, donnent des frissons à celles et ceux qui sont friands de sensations fortes. On peut évidemment saluer l’esthétisme de certains clichés qui saisissent la désolation des lieux et qui ne sont pas sans rappeler les films d’anticipation qui imaginent un monde perdu, une terre désolée et dépeuplée.
Au-delà des risques physiques auxquels s’exposent les visiteurs de ces lieux souvent dangereux et réduits à l’état de ruines, il ne faut pas non plus minimiser les risques juridiques.
D’abord, un lieu qui semble inhabité peut être simplement délaissé pour une courte période, les propriétaires de l’endroit, restant maîtres chez eux, ne souhaitent pas que des étrangers s’introduisent dans l’intimité de leur résidence. La Cour de cassation a déjà depuis longtemps rappelé la définition du domicile : « Le terme de domicile ne désigne pas seulement le lieu où une personne a son principal établissement, mais encore, comme en l'espèce, le lieu où, qu'elle y habite ou non, elle a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux » (Cour de cassation, chambre criminelle, 4 janvier 1977, N° 76-91105). Il ne suffit donc pas qu’un domicile soit inhabité pour le considérer abandonné. Rappelons que l’article 226-4 du Code pénal dispose : « L'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».
Les hypothèses évoquées dans cet article sont suffisamment nombreuses pour qu’une intrusion, sans usage de grands moyens, puisse donner lieu à poursuite.
Ensuite, certains praticiens de l’URBEX, sans doute les moins orthodoxes, peuvent être tentés de laisser une trace de leur passage dans ces endroits inhabités. Un graffe pour « sublimer » l’endroit. Un tag pour dire « j’y étais ». Un meuble abîmé. Une tapisserie arrachée. Ici, au-delà de la violation de domicile, c’est l’article 322-1 du Code pénal qui s’appliquera : « La destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, sauf s'il n'en est résulté qu'un dommage léger. Le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain est puni de 3 750 euros d'amende et d'une peine de travail d'intérêt général lorsqu'il n'en est résulté qu'un dommage léger. »
Il est aussi d’usage pour les explorateurs urbains de s’échanger les « bonnes adresses ». Evidemment, la tentation est grande, pour certains, de profiter de ces bons plans pour visiter les lieux dans la recherche de quelques souvenirs à récupérer. Ici, l’intention est malveillante, et le prétexte de l’URBEX cède vite le pas sur la volonté délictuelle. On retiendra, très logiquement, que toute personne qui soustrait frauduleusement la chose appartenant à autrui commet un vol. Seul l’accaparation d’une chose dont le propriétaire a manifesté, implicitement ou explicitement, l’intention de s’en débarrasser pourrait exonérer l’auteur de l’accaparation. On considérerait qu’il aurait alors simplement récupéré ce qu’il est d’usage d’appeler en latin une « res nullius », c’est-à-dire la « chose de personne ». Dans une demeure inhabitée mais encore meublée, on aurait peine à plaider la bonne foi de celui qui serait retrouvé porteur d’un objet qu’il aurait récupéré durant sa visite.
Enfin, et au-delà même des qualifications pénales que la pratique de l’URBEX pourrait revêtir, il faut aussi préciser que régulièrement des vidéos sont postées sur internet par les adeptes de l’exploration urbaine. Il peut s’agir ici d’une atteinte à l’intimité de la vie privée protégée par l’article 9 du Code civil si, par exemple, des photos de famille étaient filmées et diffusées dans les vidéos.
En d’autres termes, l’URBEX réalisé sans complexe pourra laisser perplexe celui qui apprendra à ses dépens que « dura lex, sed lex » !